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«Seules les montagnes ont
vécu assez longtemps pour
écouter objectivement
les hurlements du loup».
Aldo Leopold
naturaliste américain
1887-1948
NB: Mai 2011, veuillez noter que cette section contient d'anciennes données. Les chiffres ont très peu changé et on observe aucun changement significatif ou majeur à cet effet. La situation générale sur le piégeage du loup au Québec n'a guère évolué depuis. Cependant, un fait inquiétant se manifeste de plus en plus. Au cours des dernières années, on remarque de façon constante une forte augmentation de la mortalité ''lupine'' causée par le piégeage. Le nombre de loups tué par le trappage est passé de 357 en 2002 à 628 en 2010, soit une augmentation de 75%. Enfin, de 2000 à 2010, plus de 4 950 ont été supprimés par les trappeurs du Québec, sans oublier l'année record de 2007 où 728 loups ont été éliminés, soit une augmentation de 103% de loups sacrifiés en comparaison avec 2002.

Table des matières
Certificat, permis et tarif
Les zones de piégeage
L'exploitation du loup et des animaux à fourrure
Les collets et les pièges «lupins»
Les captures d'espèces protégées
Le déclin du piégeage
Les revenus de l'État
Le réseau structuré
Les privilèges du réseau structuré
L'éthique et les conflits d'intérêts
Réflexions
Notes
Références

Au Québec, l'État demeure le seul fiduciaire de notre patrimoine faunique car légalement cet héritage inestimable ne peut appartenir à quiconque. Notre richesse collective repose donc essentiellement sur la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune (L.R.Q., chapitre C-61.1). Cette loi est également gérée par la Société de la Faune et des Parcs du Québec (FAPAQ).

À l'égard de la faune, la FAPAQ affirme que ses responsabilités fondamentales sont :

  • de conserver et de mettre en valeur cette ressource naturelle renouvelable pour le bénéfice des générations actuelles et futures;
  • de maintenir l'accessibilité à la faune et aux activités qui lui sont associées.

De ces responsabilités découlent toute l'offre des activités de piégeage, de chasse et de pêche au Québec.

Certificat, permis et tarif

Depuis 1991, le cours intitulé «Piégeage et gestion des animaux à fourrure» est obligatoire pour tout résident voulant piéger au Québec. Ce cours constitue la formation menant à l'obtention du certificat de piégeur qui est requis lors de l'achat du permis de piégeage. À ce jour, 18 000 personnes ont suivi cet atelier.

Enfin, une personne de moins de 16 ans peut, sans certificat ni permis, piéger sous l'autorité du permis de piégeage d'une personne âgée de 18 ans ou plus, à condition d'être accompagnée par le titulaire du permis.

Il y a trois permis de piégeage au Québec, dont le :

  • permis général (15,25 $) : permis autorisant le piégeage sur le territoire libre (zone libre);
  • permis professionnel (15,25 $) : permis autorisant le titulaire à piéger sur un territoire dont il détient les droits exclusifs de piégeage (réseau structuré);
  • permis d'aide-piégeur (15,25 $) : permis autorisant le titulaire à assister un piégeur détenant un permis professionnel (réseau structuré).

En aucun moment, les aptitudes et les habiletés de l'un ou de l'autre des titulaires d'un permis général et d'un permis professionnel ne peuvent être comparées. En effet, les trois appellations utilisées lors de la vente des permis de piégeage servent uniquement à différencier ceux qui piègent dans la zone libre (permis général) de ceux qui le font dans le réseau structuré (permis professionnel).

Finalement, le permis de piégeage autorise son détenteur à capturer sans restriction, durant 16 semaines consécutives, 19 des 23 animaux à fourrure du Québec, à l'exception de l'ours noir et du lynx du Canada qui sont assujettis à une prise limite.

Les zones de piégeage

Au Québec, plus de 98 % du territoire est ouvert aux activités de piégeage. La province est donc divisée en trois zones distinctes, chacune détenant ses propres caractéristiques :

  • les réserves à castor :
    (1 175 000 km2) réservées pour l'usage exclusif des autochtones;
  • les zones libres :
    (175 000 km2) réservées pour les détenteurs d'un permis de piégeage général;
  • le réseau structuré :
    (140 444 km2) réservé aux piégeurs détenant des terrains «à droit exclusif».

Les activités de piégeage sont permises sur une superficie totale de 1 490 444 km2.

L'exploitation du loup et des animaux à fourrure

Au Québec, le loup, de par son double statut d'animal à fourrure et de gibier, peut être piégé et chassé sans restriction durant une période de 16 à 20 semaines consécutives. En effet, il n'existe aucune limite de prise «lupine» pour les quatre mois que dure son exploitation par le piégeage(1) (octobre à mars) et les cinq mois de sa saison de chasse(2) (octobre à avril). Le collet, le piège à patte, la carabine, le fusil, les armes à poudre noire, l'arc et l'arbalète sont tous des moyens autorisés par l'État pour tuer le loup.

Le piégeage a toujours été une activité meurtrière pour le loup. Il était et il demeure toujours la principale cause de mortalité de cette espèce. D'ailleurs, depuis 1990, le piégeage est responsable de la mort de plus de 5 500 loups ( voir le « Tableau 1 » ).

Au cours des années 90, la «peau lupine» est demeurée la fourrure la plus lucrative sur le marché à l'exception de celle de l'ours polaire réservée exclusivement aux Inuit du Nunavik(3). En 2002, un piégeur obtenait en moyenne 86 $ pour une peau de loup, 107 $ pour celle du lynx, 116 $ pour celle de l'ours noir, 805 $ pour celle d'un ours polaire, 45 $ pour celle d'une martre et 5 $ pour une peau de belette.

De plus, la réglementation actuelle demeure souple et permissive à son endroit. Curieusement, l'État le considère comme un animal protégé car il est soumis à une saison d'exploitation de piégeage et de chasse.

Par ailleurs, dans l'univers des activités de prélèvement, le renard, qui se nourrit de lièvres et de gélinottes, est difficilement apprécié, tout comme le harle qui capture des salmonidés, tout comme le castor qui s'intéresse de trop près aux arbres, tout comme la belette qui enlève les proies à la martre, dont le prix de la fourrure vaut davantage.

Au Québec, en vertu du très commode principe de développement durable, un animal sauvage est considéré avant tout comme une ressource économique renouvelable. L'État demeure donc favorable à toute exploitation malgré le risque évident de surexploiter certaines espèces comme le loup. De plus, la loutre et le lynx vivent déjà une situation critique.

L'intérêt accru pour le piégeage du loup, hormis son prix élevé sur le marché des fourrures, coïncide avec des actions entreprises par les autorités responsables afin de promouvoir spécifiquement l'exploitation de cette espèce. En effet, en 1989, le Ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche «MLCP» produisait, réalisait et diffusait un vidéo portant sur les techniques professionnelles pour piéger le loup. Ce document est toujours disponible et il est destiné aux trappeurs désirant augmenter «leurs captures lupines» de façon significative. Enfin, depuis 1993, l'État offre en association avec la Fédération des Trappeurs Gestionnaires du Québec «FTGQ», un cours hautement spécialisé intitulé «Piégeage et gestion des canidés». Cette formation particulière a pour objectifs :

  • d'assurer une «récolte» soutenue des canidés;
  • d'améliorer le rendement des piégeurs;
  • d'augmenter l'impact économique généré par cette activité;
  • de définir le rôle du trappeur dans la gestion des canidés.

Depuis son instauration, ce cours initié par l'État, a démontré son efficacité et il contribue toujours aux succès de piégeage et au déclin de l'espèce.

Finalement, une aberration supplémentaire vient menacer l'avenir du loup au Québec car l'objectif officiel de la nouvelle réforme sur le piégeage est de maximiser le rendement économique de cette activité partout au pays. Par conséquent, cette vocation commerciale peut s'effectuer au détriment d'une conservation judicieuse et réfléchie du loup et des 18 autres espèces animales toujours considérées comme des ressources économiques et renouvelables.

Le piégeage est sans contredit la principale cause de mortalité «lupine» au Québec. Il est donc primordial et urgent d'accorder aux loups des territoires protégés de cette activité désuète et passéiste. Sans cette protection élémentaire, le loup restera exposé à une surexploitation qui lui sera inévitablement fatale.

TABLEAU 1
Vente des fourrures de loup au Québec de 1989-1990 à 2001-2002

Année
Peau de loup vendue
valeur moyenne
(cents non-inclus)
valeur totale
(cents non-inclus)
1989(1)-1990 388 106 $ 41 128 $
1990-1991 423 180 $ 76 140 $
1991-1992 521 133 $ 69 293 $
1992-1993(2) 592 113 $ 66 896 $
1993-1994 478 125 $ 59 750 $
1994-1995 677 93 $ 62 961 $
1995-1996 487 105 $ 51 135 $
1996-1997 510 134 $ 68 340 $
1997-1998 441 87 $ 38 367 $
1998-1999 293 97 $ 28 371 $
1999-2000 464 66 $ 30 652 $
2000-2001 365 72 $ 26 452 $
2001-2002 353 86 $ 30 379 $

Source : FAPAQ Bulletin Fourrure Québec.
(1) Sortie de la vidéocassette produite par le MLCP et intitulée « Le piégeage du loup ».
(2) Instauration officielle du cours spécialisé «Piégeage et gestion des canidés».

Les collets et les pièges «lupins»

Au Québec, les captures «lupines» s'effectuent en utilisant des pièges à patte et des collets.(4) Cette dernière méthode demeure néanmoins la plus populaire pour tuer le loup. En effet, selon un sondage réalisé par le Ministère de l'Environnement et de la Faune (MEF), plus de 80 % des captures «lupines» enregistrées en 1993-1994 provenaient de l'usage des collets. Par conséquent, face à ce procédé efficient, le loup devient rapidement une proie facile à leurrer pour le piégeur.

Les avantages favorisant l'usage répandu des collets parmi les trappeurs sont les suivants :

  • ils sont rentables et peu coûteux : pour 25 $ un piégeur obtient 12 collets ou un seul piège à patte;
  • ils sont compacts et légers;
  • leur installation nécessite peu de temps et d'efforts;
  • ils résistent aux écarts de température;
  • la pluie élimine toute odeur suspecte.

L'utilisation du collet est habituellement combinée à la technique de l'enclos. Ce moyen peut éliminer en quelques heures seulement le couple dominant et décimer la meute entière. Le succès reproducteur devient donc vite compromis et comporte des effets désastreux sur les éventuels loups ayant survécu. En quelques endroits, le loup, jadis commun, est devenu rare, notamment en raison de la forte mortalité causée par l'usage répétitif des enclos.

D'ailleurs, cette technique spécifique consiste à construire, le plus naturellement possible, à l'aide de branches, d'arbustes et d'arbres, un enclos possédant un diamètre minimum de huit mètres. Il faut lui laisser au moins huit ouvertures et appâter régulièrement le centre de l'enclos avec du castor ou de l'orignal. Dès le début de la saison de piégeage, les collets sont placés dans les entrées. Les loups, rapidement habitués à ce site d'alimentation, en deviennent tout aussi rapidement les victimes.

Enfin, le trappeur devrait effectuer une visite quotidienne de ses installations mais comme aucune loi ne l'oblige, rare est celui qui s'en acquitte. Le loup capturé peut donc mourir de soif, de faim ou de froid.

Les collets éliminent également de nombreuses espèces non visées. De 1993 à 1995, une étude américaine réalisée par le Département de la faune de l'Alaska a révélé que plusieurs animaux non visés ont été capturés dans des collets «lupins». En plus d'un total de 109 loups tués, 35 orignaux, 26 renards, 14 caribous, 10 coyotes, 4 aigles dorés, 3 carcajous et 2 grizzlys ont aussi été capturés.

Les captures d'espèces protégées

Malheureusement le Québec ne fait pas exception à la règle. Dans son étude intitulée «Rapport sur la situation du pygargue à tête blanche au Québec», l'auteur Sylvain Lessard affirme que les captures dans les pièges constituent, avec l'abattage par des armes à feu, les principales menaces affectant cet oiseau de proie. La situation demeure très inquiétante car la population connue pour l'ensemble de la province est de 37 couples reproducteurs.

D'ailleurs, en vertu de la Loi sur la conservation et la mise en valeur de la faune, aucun oiseau de proie, incluant la pygargue, ne peut être piégé ni chassé. De plus, cet oiseau particulier figure parmi la liste des espèces susceptibles d'être désignées menacées ou vulnérables.

Pourtant, selon Sylvain Lessard :

  • «Entre 1990 et 1994, 9 pygargues à tête blanche ont été capturés par des piégeurs. Ces captures risquent d'affecter grandement les populations, étant donné le faible nombre de leur effectif.»
  • «Il semble que certaines installations de piégeage soient susceptibles d'entraîner des prises accidentelles. Entre autres, les enclos avec collet.»
  • «La capture accidentelle lors d'activités de piégeage, bien que peu documentée, serait une cause de mortalité beaucoup plus sérieuse qu'on ne l'imagine.»

Selon les statistiques provenant de l'Union Québécoise de Réhabilitation des Oiseaux de Proie(5), 37 % des pygargues à tête blanche admis à la clinique avaient été capturés par des pièges incluant les collets. Ces précieuses données confirment également que le pygargue et le grand duc sont les oiseaux de proie qui se retrouvent le plus souvent dans les installations des piégeurs.

Enfin, le magazine Québec Oiseaux affirmait dans son édition de l'automne 1999 :

  • «Un aigle royal, bagué le 30 octobre 1990 à Port Stanley en Ontario a été retrouvé mort dans un piège à loup à Mont Laurier le 10 décembre.»
  • «Un pygargue à tête blanche a été trouvé mort dans un piège, dans la même région, le 15 décembre 1996. L'oiseau avait été bagué au nid le 30 juin 1976 à Paradise, dans le Michigan.»

Le déclin du piégeage

Fait inusité, en 1984, le gouvernement du Québec levait l'interdiction de piéger dans les réserves fauniques. Il cédait ainsi aux pressions du puissant lobby des 21 000 trappeurs que comptait la province à cette époque. Curieusement, depuis ce temps, les adeptes de cette activité décroissent continuellement et leur nombre a chuté de 62 %.

Les statistiques ( voir le « Tableau 2 » ) explicites des vingt dernières années illustrent bien le déclin du piégeage. D'ailleurs, ce phénomène est tout aussi perceptible au Québec que dans les autres pays fournisseurs de fourrures. Enfin, malgré tous les efforts et les incitatifs déployés par l'État et l'industrie, la relève semble presque inexistante.

TABLEAU 2
Vente des permis de piégeage au Québec de 1984 à 2001

Année
Permis général
(zone libre)
*incluant les non-résidents
Permis professionnel/aide-piégeur(réseau structuré)
Ventes totales
1978 N/D N/D 21 600
1984 15 110 4 309 19 419
1985 15 110 4 245 19 345
1986 14 433 4 238 18 671
1987 14 217 4 369 18 586
1988 12 437 4 296 16 733
1989 10 021 3 983 14 004
1990 7 727 3 717 11 444
1991 4 211 3 345 7 556
1992 4 408 2 867 7 275
1993 4 480 2 842 7 322
1994 5 187 2 837 8 024
1995 5 003 2 821 7 824
1996 5 058 2 843 7 901
1997 5 470 2 892 8 362
1998 5 126 2 934 8 060
1999 3 952 2 956 6 908
2000 4 929 2 838 7 767
2001 5 486 2 783 8 269
Source : FAPAQ Direction des affaires institutionnelles et de communication.

Les revenus de l'État

Les revenus du gouvernement, en regard des activités de piégeage pratiquées au Québec pour l'année 1997-1998, s'établissaient de la façon suivante :

  • permis de piégeage (général, professionnel, aide-piégeur) 109 400 $
  • permis de commerçant de fourrures 66 200 $
  • droit sur les fourrures 179 200 $
  • locations de territoires «à droit exclusif» 154 800 $
  • droits d'accès pour le piégeage dans la réserve de Plaisance 200 $

TOTAL : 509 800 $

Donc, la pratique de piégeage au Québec procure à l'État des revenus plus que marginaux. Par ailleurs, les dix territoires de piégeage «à droit exclusif» que compte la réserve faunique de Portneuf couvrent 90 % de sa superficie totale. Cette activité occupe dix piégeurs et quinze aide-piégeurs. Ensemble, ils contribuent annuellement aux revenus de la réserve pour une somme dérisoire de 1 500 $.

Le réseau structuré

Le réseau structuré représente une superficie de 140 444 km2 de territoires publics. Il est réparti sur l'ensemble des réserves fauniques(6), des zecs et de certaines terres domaniales. Il possède également la singularité de regrouper tous les terrains de piégeage «à droit exclusif» accordés par l'État. À ce propos, pour l'année 2001-2002, le réseau structuré se divisait ainsi :

  • les terres domaniales, 84 265 km2 et 1 201 terrains de piégeage «à droit exclusif»;
  • les zecs, 35 346 km2 et 688 terrains de piégeage «à droit exclusif»;
  • les réserves fauniques, 20 833 km2 et 343 terrains de piégeage «à droit exclusif».

Un terrain de piégeage «à droit exclusif» procure à son détenteur l'exclusivité d'exploiter 19 espèces d'animaux à fourrure sur un territoire public. Celui-ci est octroyé en vertu d'un bail signé entre la FAPAQ et le locataire. Ce dernier est choisi au hasard lors d'un tirage effectué annuellement par la Société des Établissements de Plein Air du Québec (SÉPAQ). Ce droit exclusif de piéger est renouvelé à vie dans la mesure où le piégeur «chanceux» respecte les conditions afférentes à son bail. De plus, étant donné la nature même de cette activité, il demeure presque impossible de vérifier si le signataire respecte toutes ses obligations.

Par ailleurs, les piégeurs «à droit exclusif» se voient accorder de plus en plus de privilèges, ce qui suscite chez de nombreux observateurs des interrogations légitimes. En effet, les réponses obtenues révèlent des décisions gouvernementales douteuses et indéfendables.

Les privilèges du réseau structuré

La section suivante s'attardera particulièrement aux privilèges des 343 piégeurs «à droit exclusif» opérant sur les réserves fauniques du Québec puisque l'objectif du Clan est à juste titre d'interdire les activités de piégeage sur ces territoires publics.

Le piégeur qui détient un bail «à droit exclusif» dans une réserve faunique se voit allouer un territoire variant généralement de 20 à 100 km2. Par la suite, il doit payer 1,53 $ par kilomètre carré concédé. Donc, ce même individu doit débourser 91,80 $ pour une zone moyenne de 60 km2, plus un droit d'accès de 40,20 $, pour un total annuel de 132,00 $. Cette somme dérisoire procure, au piégeur détenteur d'un bail «à droit exclusif» sur une réserve faunique du Québec, les privilèges suivants :

  • l'exclusivité «à vie» de piéger sur son territoire, ce qui lui assurera annuellement des revenus substantiels et appréciables;
  • la permission de se bâtir un camp dans une réserve faunique sans même se conformer aux dispositions de la Loi sur les terres du domaine public (L.R.Q., chapitre T-8.1);
  • lors de ses activités, le piégeur peut être accompagné d'invités et de trois aide-piégeurs;
  • en tout temps, le piégeur est libre de circuler sur la réserve faunique où se trouve son territoire. Il est également autorisé à utiliser sur son terrain de piégeage un quad ainsi qu'une motoneige, sauf durant la saison de chasse à l'orignal et au cerf de Virginie;
  • un seul enregistrement annuel est nécessaire pour le piégeur, ses invités et ses aide-piégeurs;
  • finalement, le titulaire d'un permis de piégeage qui subit une blessure résultant directement de ses activités peut recevoir une indemnité de l'État.

À 152,00 $ par an, taxes incluses, c'est fort peu payé pour un piégeur compte tenu de tous les avantages que lui procure son bail «à droit exclusif». En effet, ces faveurs inadmissibles et injustifiées se réalisent à l'intérieur même des réserves fauniques qui demeurent des territoires publics appartenant à l'ensemble de la population.

Par ailleurs, la tarification actuelle ne reflète aucunement la valeur réelle de tous ces privilèges. Les sommes insignifiantes exigées aux piégeurs afin de capturer 19 espèces d'animaux à fourrure ( voir le « Tableau 3 » ) constituent une escroquerie évidente qui porte préjudice à tous les autres utilisateurs des réserves fauniques du Québec.

L'État a-t-il les qualités requises pour administrer de façon équitable et responsable nos territoires sauvages qui demeurent avant tout des biens collectifs?

L'État est-il le complice volontaire de cette injustice? Bien sûr que non. Alors pourquoi a-t-il toujours appliqué une tarification aussi dérisoire envers les piégeurs «à droit exclusif»?

Enfin, de plus en plus d'individus exigent que les réserves fauniques servent à d'autres fins qu'aux activités de piégeage. Malheureusement, dans ce dossier, ils se butent continuellement à la vision unilatérale de l'État.

TABLEAU 3
Vente de fourrures d'animaux sauvages au Québec en 2001-2002

ESPÈCES
NOMBRE DE FOURRURES
VALEUR MOYENNE ($)
VALEUR TOTALE ($)
(cents non-inclus)
BELETTES 14 047 4,74 66 583
CASTOR 69 023 24,53 1 693 134
COYOTE 4 285 33,49 143 505
ÉCUREUIL 5 394 1,51 8 145
LOUP 353 86,06 30 379
LOUTRE 4 438 93,64 415 574
LYNX DU CANADA 3 579 107,32 384 098
MARTRE D'AMÉRIQUE 39 497 45,03 1 778 550
MOUFFETTE RAYÉE 132 7,56 998
OURS NOIR 1 531 116,30 178 055
OURS POLAIRE 23 805,24 18 521
PÉKAN 7 383 43,46 320 865
RAT MUSQUÉ 70 118 4,74 332 359
RATON LAVEUR 13 645 17,19 234 558
RENARD ARGENTÉ 86 30,37 2 612
RENARD ARCTIQUE 26 24,67 641
RENARD CROISÉ 591 43,88 25 933
RENARD ROUX 18 434 47,00 866 398
VISON 9 573 16,88 161 592
TOTAL
262,158
-------
6,662,501

Source : FAPAQ, Bulletin Fourrure Québec, No.40

L'éthique et les conflits d'intérêts

Nous sommes tous assujettis à des règles d'éthique que chacun d'entre nous applique selon ses propres principes ou selon ses propres règles de conduite. La fonction publique n'y fait pas exception. Les exigences de la population en matière d'intégrité obligent l'État à exercer une grande vigilance.

Cependant, un employé d'un organisme gouvernemental (société, ministère, etc.), quel qu'il soit, peut abuser de son pouvoir. Des fonctionnaires peuvent même privilégier leurs intérêts personnels à ceux des citoyens. La FAPAQ n'est pas à l'abri de telles bavures. Elle se doit de maintenir les normes les plus élevées car elle joue un rôle primordial en tant qu'administrateur unique de la faune québécoise. Par conséquent, cette responsabilité exclusive l'oblige à la rigueur, à la transparence, à l'équité et à l'intégrité.

De plus, ses nobles idéaux étatiques sont endossés par la Loi sur la fonction publique (chapitre II, section I, S.S.1 # 7) qui demeure, en ce sens, très explicite : «Le fonctionnaire ne peut avoir un intérêt direct ou indirect dans une entreprise qui met en conflit son intérêt personnel et les devoirs de ses fonctions.»

Un document produit par le MEF vient également renforcer la Loi sur la fonction publique en stipulant :

L'absence de conflit d'intérêts : cette obligation vise à assurer la crédibilité de l'administration publique. Elle est donc liée à la perception que peuvent avoir les citoyens et les citoyennes à l'égard de nos comportements. Il y a conflit d'intérêts potentiel dès que, dans une situation donnée, il existe une possibilité que nous ayons à choisir entre nos intérêts personnels et l'intérêt public. Nous devons donc éviter toute situation où un tel jugement pourrait être porté.

Pourtant de profonds manquements à l'éthique persistent toujours dans le système actuel de la FAPAQ. Ils ne peuvent être ignorés plus longtemps. Ils méritent que des actions exemplaires soient entreprises dans les plus brefs délais afin qu'elles puissent rencontrer les prétentions des textes de lois. Des irrégularités, commises régulièrement par certains fonctionnaires à l'emploi de la FAPAQ, soulèvent l'indignation et suscitent de nombreuses interrogations. Les faits suivants portent à réfléchir sur le véritable sens du mot intégrité.

  • Grâce à la Loi d'accès à l'information (L.R.Q. A 2.1), le CLAN a appris que des fonctionnaires à l'emploi de la FAPAQ, dont des biologistes, des techniciens et des agents de conservation de la faune détiennent «à vie» des territoires de piégeage «à droit exclusif» dans les réserves fauniques du Québec. Ces activités de piégeage leur procurent annuellement des revenus substantiels.
  • Les responsabilités associées à leurs fonctions respectives sont directement reliées aux cadres législatifs et administratifs des composantes entourant la gestion des activités de piégeage se déroulant sur les réserves fauniques.
  • Des fonctionnaires de la FAPAQ qui détiennent des territoires «à droit exclusif» sur des réserves fauniques vantent, dans un catalogue d'articles de piégeage, les mérites de certains pièges fabriqués par une compagnie privée. C'est cette même compagnie qui possède également le fameux catalogue.
  • D'autres employés, toujours en détenant des territoires «à droit exclusif», gèrent un commerce spécialisé dans le matériel de piégeage ainsi qu'une entreprise écotouristique opérant sur une réserve faunique. Un autre se permet même d'effectuer une promotion «fourrure» folklorique et partisane sur le site web de la compagnie North American Fur Auction.
  • Certains «artisans» de la nouvelle réforme sur le piégeage possèdent des territoires «à droit exclusif» sur les réserves fauniques.

Par conséquent, les nombreux privilèges ainsi que les revenus appréciables qu'assurent les territoires de piégeage «à droit exclusif» de ces fonctionnaires de la FAPAQ peuvent les exposer à des situations où l'intérêt personnel risque d'être préféré à l'intérêt public. D'autant plus que ces territoires «particuliers» se trouvent sur des réserves fauniques du Québec qui constituent avant tout une richesse collective. Par ailleurs, ces inadmissibles situations contreviennent allègrement aux règles d'éthique. Tant qu'elles dureront, elles demeureront les preuves tangibles du laxisme et de l'inertie de la FAPAQ dans ce dossier de premier ordre.

Ceux qui dirigent, ceux qui détiennent réellement le pouvoir et l'autorité à la FAPAQ sont-ils sensibles aux questions éthiques? Sont-ils prêts à remédier à la situation actuelle? Favorisent-ils et priorisent-ils des actions en ce sens? À ce jour, rien de bien convaincant, mis à part les formules et les euphémismes habituels! De toute évidence, éviter de prendre position concrètement sur ces questions élémentaires, c'est encourager les excès dont font preuve certains fonctionnaires à l'emploi de la FAPAQ.

En effet, des employés de la FAPAQ qui détiennent des territoires de piégeage «à droit exclusif» sont les mêmes initiateurs de la nouvelle réforme du piégeage adoptée en 1999 par l'État. Étrangement, la nouvelle réforme avantage outrageusement les piégeurs du réseau structuré, donc ceux qui détiennent des privilèges et l'exclusivité sur des territoires publics comme les réserves fauniques. À ce propos, ce remaniement définit dorénavant :

  • que le piégeage a une vocation commerciale. Elle sera encouragée et, du même coup, elle viendra consolider les revenus potentiels des piégeurs «à droit exclusif»;
  • que pour renforcer l'exploitation commerciale du réseau structuré, les trappeurs pourront piéger sur d'autres terrains que le leur, au sein d'une même unité de gestion d'animaux à fourrure (zone administrative), dans la mesure où ils obtiendront le consentement des autres titulaires. Auparavant, cette disposition était limitée à trois terrains adjacents;
  • que le détenteur d'un bail «à droit exclusif» devra vendre obligatoirement et annuellement au moins 15 captures de 5 espèces différentes. Ce même piégeur du réseau structuré ne sera plus obligé de remettre un rapport annuel d'activités;
  • que l'État considérera officiellement les activités de piégeage comme un outil de gestion de la faune;
  • que l'État continuera d'être un promoteur du piégeage et qu'il valorisera le rôle de cette activité comme étant un instrument de la mise en valeur de la faune conforme aux principes du développement durable;
  • que l'État poursuivra sa contribution à défendre les intérêts des piégeurs dans le contexte de la mise en oeuvre d'ententes internationales portant sur l'usage des pièges.

Finalement, la nouvelle réforme «commerciale» du piégeage, combinée à l'accroissement des pressions exercées par cette activité «économique» constituent et constitueront une menace supplémentaire pour la sauvegarde du loup et de la diversité animale au Québec.

Réflexions

En matière d'éthique, la FAPAQ se doit d'appliquer avec rigueur des principes tels que l'intégrité, l'impartialité et la transparence afin de respecter les règles établies et ainsi privilégier, en tout temps, l'intérêt public. Malheureusement, dans ce cas précis, même le discours rassurant de ses propres représentants ne suffit plus à nous convaincre de ses prétendues vertus.

De plus, la lenteur de la FAPAQ à admettre et à régler les failles de son organisation est tout aussi condamnable que l'existence même des conflits d'intérêts qui sévissent en son sein.

D'ailleurs, la FAPAQ doit s'efforcer de répondre adéquatement aux attentes légitimes exprimées par la population. Il est donc impératif qu'elle revoit sa position concernant les activités de piégeage dans les réserves fauniques afin d'explorer de nouvelles avenues. Cette ouverture permettrait au Québec d'assurer d'un seul coup la pérennité de toutes ses espèces fauniques, et ce, par simple respect envers les générations à venir.

Toutefois, est-ce que la FAPAQ possède toute la volonté nécessaire pour éliminer définitivement les intérêts d'une minorité privilégiée, structurée et fortement enracinée depuis 1984, date à partir de laquelle le piégeage a été permis sur les réserves fauniques? À ce jour, cette manifestation de force reste toujours à être démontrée.

Rendre impartiales les pratiques de l'État est un devoir élémentaire pour tout gestionnaire intègre car l'absence de conflit d'intérêts demeure pour lui un point de repère indispensable.

Notes

  1. Jusqu'en 1980,le loup était piégé 12 mois par an.


  2. Jusqu'en 1984,le loup était chassé 12 mois par an.


  3. Grand Nord québécois.


  4. Câble coulissant à multibrin métallique souple.


  5. UQROP est un organisme sans but lucratif voué à la conservation des oiseaux de proie.Il est relié à la clinique des oiseaux de proie (COP) de la Faculté de médecine vétérinaire de l'Université de Montréal.Plus de 250 oiseaux y sont traités annuellement.


  6. Excluant les réserves fauniques:Ashuapmushuan,Assinica et celles des lacs Albanel,Mistassini et Waconichi(29 773 km2).Le piégeage est réservé exclusivement aux autochtones signataires de la Convention de la Baie James et du Nord québécois.Pour ces territoires,les données sur le nombre de loups tués sont obtenues par les communautés et ne peuvent être calculées pour ces réserves fauniques.

Références

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Collectif, 1994. ''Possession et utilisation des pièges au Québec en 1993-1994'', p.221-231, dans compte rendu du huitième atelier sur les animaux à fourrure. MEF. Direction de la faune et des habitats. 243p.

FAPAQ, 1999. ''Réforme de la gestion des animaux à fourrure et du piégeage''. 4p.

FAPAQ, 2002 a. ''Le piégeage au Québec;les principales règles du 1 août 2002 au 31 juillet 2003''. 38p.

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Fitzgerald, G. , 1999. ''Bilan de la réhabilitation du pygargue à tête blanche à l'UQROP''. Québec Oiseaux, 11(1) : 26-29

Lessard, S. , 1996. ''Rapport sur la situation du pygargue à tête blanche au Québec''. MEF. Direction de la faune et des habitats. 73p.

MEF, 1996. ''Des valeurs au soutien de l'éthique''. Direction des ressources humaines, 9p.

MEF, 1999. ''Revenus du ministère en regard des activités de piégeage''. États financiers. 1p.

Québec Oiseaux, 1999. ''Observations saisonnières''. 11(1) : 30-31

SÉPAQ, 1997. ''Plan de mise en valeur ; réserve faunique de Portneuf 1997-2000''. 126 p.

 
   
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